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Sainte Jeanne d'Arc face à l'Eglise au XIXème s.

Statue sainte Jeanne d'Arc à Orléans

Statue sainte Jeanne d'Arc à Orléans bénite par Mgr Dupanloup

La mise en valeur de Jeanne au XIXème s. participe à la redécouverte du Moyen Âge, dont les anciens manuscrits laissaient découvrir une civilisation beaucoup moins fruste que ce que la Renaissance avait laissé croire. On redécouvrit alors le procès de Jeanne d'Arc, dont la retranscription n'avait jamais été éditée. Mais ces publications péchaient par leur explication rationaliste de la mission divine de sainte Jeanne d'Arc comme nous l'avons écrit dans l'article précédent.

Mgr Dupanloup, en  tant qu'évêque d'Orléans, était le mieux placé pour défendre l'honneur et la mémoire de saint Jeanne d'Arc. Il ne manqua pas à sa tâche et s 'y employa avec talent.

Le premier panégyrique de sainte Jeanne d'Arc

La ville d'Orléans avait commandé une statue équestre de la Pucelle victorieuse destinée à la place principale où sainte Jeanne d'Arc était apparu la première fois aux regards des Orléanais. A l'occasion de l'inauguration de cette statue en 1855, la mairie avait à coeur de redonner leur antique éclat aux fêtes de la Pucelle depuis quelques années interrompues. Mgr Dupanloup fut invité à prononcer le panégyrique de la sainte. Ce fut  une heure et quart d'une rare éloquence. L'un des plus beaux passages est sans doute celui où l’évêque d’Orléans explique pourquoi il est heureux que la gloire de Jeanne d’Arc ait été couronnée par le martyre : 

« Ah ! si Jeanne d’Arc avait fini dans l’opulence et les délices, si elle était devenue une grande princesse, ou bien si, selon le vœu naïf de son cœur, elle était revenue à Domrémy, nous aurions eu une princesse telle quelle, ou une pieuse bergère de plus, le chant d’une merveilleuse épopée entre deux idylles... Au lieu de cela, nous avons une grande chose, un enseignement admirable... un poème divin, tel que Dieu sait les faire.

Car, il le faut entendre, dans l’humanité, depuis sa chute, il n’y a pas une seule grande chose sans la croix... La vertu, toujours heureuse, toujours couronnée, toujours triomphante, n’est pas le plus grand spectacle que la terre puisse offrir au ciel; il y faut ce je ne sais quoi d’incomparable et d’achevé que le malheur donne à la vertu.

Et voilà pourquoi ici la vraie grandeur est à Rouen : la grâce est à Domrémy, la gloire est à Orléans, l’éclair du triom­phe à Reims; puis, le lendemain, la tristesse, les douloureux pressentiments, et enfin la véritable immortalité n’est qu’à Rouen.»

L'année suivante fut invité mgr Gillis, évêque d'Edimbourg, à porter la parole dans cette fête. Le discours fut aussi un chef-d'oeuvre, et depuis lors la série des panégyriques a toujours continué.

Le sacre du Roi Charles VII à Reims

Le sacre du Roi Charles VII à Reims : c'est aussi le triomphe de sainte Jeanne d'Arc

Mgr Dupanloup demande la canonisation de sainte Jeanne d'Arc.

Vers les années 1869 - 1870 on pensait ériger une statue à Voltaire ; par réaction à ce scandale l'idée lui vint de glorifier magnifiquement la vierge de Domrémy, si outragée dans l'infâme libelle "la Pucelle d'Orléans" que Voltaire écrivit en 1762. Mgr Dupanloup ne voulait rien moins que les honneurs de la canonisation pour la Pucelle d'Orléans : "Nous ne célébrons jamais dans Jeanne d'Arc que l'héroïne, et nous avons tord ; Jeanne d'Arc est aussi une sainte".

Il prononça alors un second panégyrique  à l'occasion d'une cérémonie, en présence de plusieurs évêques, où il mettait en valeur la sainteté de Jeanne la Pucelle : la sainte dans la jeune fille, la sainte dans la guerrière, la sainte dans la victime. Ce panégyrique n'obtint pas un succès aussi éclatant que le premier, mais reste néanmoins une belle oeuvre oratoire.

Après ce discours, et la procession traditionnelle qui suivit, tous les évêques présents signèrent une lettre qui avait été rédigée par l'évêque d'Orléans, pour demander au Saint-Père la canonisation de Jeanne d'Arc.

Mgr Félix Dupanloup, évêque d'Orléans

Mgr Félix Dupanloup, évêque d'Orléans

Autres défenseurs de sainte Jeanne d'Arc

Mais Mgr Dupanloup n'était pas la seule voix parmi les catholiques : l'abbé Pie, le futur cardinal, écrivait : "Elle est du ciel et de la terre ; c'est une martyre qui pleure ; c'est une sainte qui n'a pas d'autels... Modèle à offrir aux conditions les plus diverses, à la fille des pâtres et à la fille des rois,... type le plus large et le plus complet au double point de vue de la religion et de la patrie, figure historique qui n'a son semblable nulle part. Jeanne d'Arc, c'est une douce et chaste apparition du Ciel..."

Comme autres figures marquantes, il faut mentionner Louis Veuillot, Mgr Freppel qui en 1867, alors qu'il n'était pas encore évêque, exprimait le voeu de voir sainte Jeanne d'Arc et sainte Geneviève unies dans une même vénération.

Bien d'autres orateurs et écrivains catholiques moins connus mériteraient d'être cités qui, tout au long du XIXème s., ont contribué d'une manière non négligeable à la défense de la mémoire et à glorification de la Pucelle d'Orléans.

Notons qu'un écrivain catholique allemand Guido Goerres travailla beaucoup à faire connaître en Allemagne la mémoire de sainte Jeanne d'Arc. Il écrivit même une vie de sainte Jeanne d'Arc qui fut traduite en français en 1834. Cette admiration que les Allemands avaient pour la sainte de la patrie est telle que, pendant la guerre de 1870, ils rendirent à la maison natale de Jeanne les honneurs militaires. 

Vers la canonisation de sainte Jeanne d'Arc

A la suite du panégyrique du 8 mai 1869 la première étape vers la glorification commença avec le procès diocésain et se termina par le décret d'introduction de la cause signé par le pape Léon XIII le 27 janvier 1894, qui déclarait Jeanne d'Arc vénérable.

Le 6 janvier 1904 le décret d'héroïcité des vertus fut rendu public, le 12 janvier 1909 les miracles reconnus et le 18 avril 1909 le pape saint Pie X proclama Jeanne Bienheureuse.

Le 16 mai 1920 le pape Benoît XV procéda à la  canonisation de la sainte de la Patrie avec seulement le titre de Vierge ; il était difficile de la reconnaître comme martyre car elle fut condamnée par un tribunal ecclésiastique et la politique s'en était mêlée.

Icône de sainte Jeanne d'Arc

Icône byzantine de sainte Jeanne d'Arc

Jeanne d'Arc, la sainte de la Patrie

Tout au long du XIXème s. rationalistes et catholiques travaillèrent à la glorification de Jeanne mais chacun à leur manière. La libre-pensée qui ne pouvait pas admettre l'origine surnaturelle de la mission de Jeanne ne pouvait que déformer l'image de la sainte. Mais l'Eglise de France vengea cet affront comme nous venons de le voir. Ainsi Sainte Jeanne d'Arc est récupérée par tout le monde :

- il y a une Jeanne républicaine laïque (Jules Michelet)

- il y a une Jeanne catholique cléricale (Charles Péguy)

- il y a une Jeanne socialiste révolutionnaire (Maurice Barrès)

- il y a une Jeanne monarchiste nationaliste (Charles Maurras)

Mais seule l'Eglise est bien placée pour comprendre, proclamer et chanter toute la grandeur de sainte Jeanne d'Arc liée àl'origine surnaturelle de sa mission : Dieu premier servi !

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